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fait grandir. C’est ce qu’on appelle la volonté, l’attention, l’effort dont nous n’avons pas à étudier le mécanisme, mais seulement à comprendre le rôle. L’idée transformée dans ces conditions reste bien rattachée à la personnalité qui a accepté la transformation, qui l’a aidée par ses efforts et qui se souvient de son travail. D’ailleurs la transformation reste à la disposition de la personnalité et celle-ci peut facilement, si ses dispositions ont changé, ne plus la favoriser et même l’arrêter : l’idée réduite à ses propres forces redevient alors abstraite et inerte.

La transformation de l’idée en acte et en perception qui se produit dans le phénomène de la suggestion ne se rattache à aucun de ces mécanismes. Le développement de l’idée n’est pas produit par l’éveil d’un instinct puissant car l’idée en question est insignifiante, n’inté-resse pas le sujet et serait plutôt contraire à ses goûts et à ses intérêts. Il n’a pas de tendance à se paralyser, il en est même fort mécontent et cependant il se paralyse parce qu’il a vu un infirme. La transformation n’est pas due non plus à des efforts volontaires, c’est-à-dire à l’action de l’ensemble de la personnalité. Ce point est plus délicat à vérifier, et il est bien certain que dans les descriptions de quelques auteurs se glissent trop souvent sous le nom de suggestion des faits qui s’expliquent par le mécanisme ordinaire de la volonté. Il ne faut pas dire trop vite qu’un malade est suggestionné quand il exécute bien vite n’importe quelle sottise pour ne pas déplaire au médecin, qu’un individu est suggestible quand il prend facilement toute les attitudes pour gagner les bonnes grâces d’un maître. Ce sont trop souvent des individus complaisants, dociles, qui agissent à la façon ordinaire. S’il n’y avait que des faits de ce genre, il n’y aurait pas lieu de parler de suggestion.

Ceux qui ont insisté sur ce phénomène se sont peut-être trompé, c’est une vérification à faire ;