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réelles, voit les paysages dont on parle en dehors de lui, il est halluciné. Inversement s’il a l’idée que tel objet est disparu quoiqu’il soit réellement devant lui, il n’en a plus la perception, il cesse d’en sentir le contact, de l’entendre ou de la voir; en poussant les choses plus loin, l’idée de la surdité ou de la cécité peut amener une surdité ou une cécité complètes. Bien mieux, ces idées peuvent se transformer en sentiments internes, déterminer le plaisir ou la douleur, la nausée ou l’angoisse, la faim ou la soif; ces sentiments sont eux-mêmes accompagnés par le fonctionnement correspondant des viscères, l’idée du vomissement amène les vomissements réels, l’idée d’une purge peut déterminer la diarrhée véritable et il est incontestable que des pilules de mie de pain auxquelles la malade prête des propriétés merveilleuses ont rétabli ou supprimé le cours des règles. Je ne parle ici que des phénomènes simples à peu près incontestés, je ne puis m’engager dans la discussion des modifications vaso-motrices, des rougeurs, des hémorragies, des bulles de pemphigus qui, suivant quelques auteurs, peuvent accompagner l’idée suggérée de vésication ou de brûlure. D’ailleurs c’est sur des phénomènes simples et fréquents et non sur des exceptions discutées que doit se fonder la conception d’ensemble et la définition de la suggestion.

Cette transformation des idées en d’autres phénomènes psychologiques et physiologiques présente, à mon avis, des caractères très spéciaux. Toutes nos idées d’ordinaire ne subissent pas par elles-mêmes de pareilles transformations, elle gardent le plus souvent leur caractère propre d’idée, elles restent des phénomènes psychologiques simples, abstraits, incomplets. Tout au plus déterminent-elles de temps en temps quelques mouvements légers comme ceux de la physionomie ou ceux du langage, mais elles sont loin d’amener à leur suite spontanément des