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moraux. Depuis que l’hystérie est devenue plus nettement une maladie mentale, c’est dans l’esprit que nous avons le plus de chances de trouver des stigmates un peu plus permanents, coexistants avec tous les autres symptômes. Depuis longtemps, on sentait qu’il y avait un état mental hystérique, et on obéissait vraiment à la mode en écrivant des thèses sur le caractère des hystériques. On mit d’abord en relief certains trait curieux et frappants, mais un peu exceptionnels de ce caractère. Nos pauvres malades n’ont vraiment pas été favorisées; jadis on les brûlait comme sorcières, puis on les accusa de toutes les débauches possibles, enfin, quand les mœurs furent adoucies, on se borna à dire qu’elles étaient versatiles à l’excès, remarquables par leur esprit de duplicité, de mensonge, de simulation perpétuelle : « un trait commun les caractérise, dit Tardieu, c’est la simulation instinctive, le besoin invétéré et incessant de mentir sans cesse, sans objet, uniquement pour mentir, cela non seulement en paroles, mais encore en action, par une sorte de miss en scène où l’imagination joue le principal rôle, enfante les péripéties les plus inconcevables et se porte quelquefois aux extrémités les plus funestes ». Voici le mensonge qui devient le stigmate de l’hystérie; il ne faut pas sourire, il y a encore bien des médecins qui prennent cela au sérieux.

Sans doute, le mensonge existe dans l’hystérie et quelquefois d’une manière vraiment anormale : j’ai connu deux ou trois sujets, un surtout, qui étaient véritablement extraordinaires à ce point de vue. Une pauvre femme, qui a maintenant trente-cinq ans, est tourmentée depuis l’âge de seize ans par un besoin extravagant de mensonge et surtout de mensonge par lettres. Son bonheur le plus grand consiste à imaginer des correspondances amoureuses : elle fait parvenir à un individu, homme ou femme, des lettres merveilleuses dans lesquelles elle lui fait croire qu’il