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est plus grave, votre manière d’interroger créera de toutes pièces une anesthésie qui n’existait pas.

D’autre part, cette anesthésie est loin d’être aussi durable et aussi permanente qu’on le pensait; elle apparaît souvent dans les périodes d’incubation qui précèdent les accidents ou les attaques, et disparaît après la fin de celle-ci : il n’est pas possible de la constater toujours quand on le désire. Enfin, beaucoup d’accidents, comme les accidents mentaux, les idées fixes à forme somnambulique, les amnésies, les troubles du langage, sont loin d’être toujours accompagnés par une anesthésie. Ces faits sont de plus en plus reconnus, et ce symptôme tend évidemment à perdre de son importance passée.

Si on voulait lui conserver quelque intérêt, il faudrait, à mon avis, s’entendre sur le sens du mot stigmate. Ce mot a un premier sens théorique quand il indique le caractère fondamental d’où nous paraissent sortir les autres phénomènes de la maladie. Par exemple, si nous considérons une lésion tuberculeuse, le vrai stigmate sera le bacille de Koch, parce que nous le considérons comme la cause des lésions innombrables de la tuberculose. Eh bien, il faut avouer que l’anesthésie ne joue pas ce rôle dans l’hystérie et que, à ce point de vue, le stigmate de Charcot a fait faillite. Mais le mot stigmate peut avoir un autre sens uniquement pratique : c’est un simple moyen de diagnostic. Or, l’anesthésie accompagne un grand nombre de symptômes hystériques; dans bien des cas, elle persiste longtemps après la disparition de l’accident, et elle peut, par conséquent, devenir un signe très utile. À ce point de vue, et à ce point de vue seulement, l’anesthésie hystérique de Charcot peut rester un stigmate important de l’hystérie.

L’anesthésie hystérique plaisait aux médecins parce que ce symptôme était, en quelque sorte, intermédiaire entre les phénomènes physiques et les phénomènes