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s’interroger sur un point quelconque de la religion ou de la morale, sur Dieu, sur le Démon, sur l’enfer, sur le devoir, le mensonge, ou la responsabilité. Quelquefois le simple effort pour nier une histoire absurde qu’on raconte devant eux suffira pour ramener toutes leurs ruminations ou toutes leurs angoisses.

Un autre phénomène peut devenir le point de départ de certaines ruminations ou de certaines phobies, c’est l’émotion ou du moins un certain genre d’émotion. Le malade se trouve dans des circonstances où normalement il devrait éprouver un certain sentiment de joie, ou même de douleur, car souffrir à propos c’est déjà une opération mentale difficile. À ce moment, à la place de l’émotion naturelle qui devrait survenir, arrive la crise d’agitation. J’ai décrit une malade qui avait une très singulière manière de ressentir les douleurs de l’accou-chement : c’était à ce moment que son esprit était envahi au suprême degré par les manies du serment, par des pactes, par des ruminations interminables et odieuses. D’autres sujets dans des situations lugubres ont des tics, des agitations motrices et des crises de fou rire. Une malade ne pouvait plus jouer du piano ni écouter de la musique : si elle se laissait aller un instant à l’émotion artistique, au plaisir musical elle perdait l’équilibre et retombait dans ses absurdes raisonnements; un autre ne pouvait plus admirer un paysage ni remarquer la régularité d’une place sans avoir une crise de phobies. Il y a là tout un rôle curieux du sentiment qui le rapproche de la croyance et de la volonté. En fait, d’ailleurs, éprouver une sensation à propos, c’est faire une synthèse mentale qui par bien des points est comparable à une idée ou à un acte.

Enfin je signale avec plus d’hésitation et à titre de curiosité une autre occasion de ces crises que j’ai observée plusieurs fois, c’est le commencement du sommeil ou le réveil. Quand le sujet doit passer d’un