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et artificiel, mais qui différait tout à fait de son état habituel. Elle était devenue capable de se mouvoir, elle acceptait toute nourriture, n’avait plus aucun vomissement et urinait spontanément, sans difficulté. D’autre part elle était devenue sensible sur tout le corps, entendait et voyait parfaitement, elle s’exprimait beaucoup mieux, avec plus de vivacité et montrait une mémoire de toute sa vie antérieure.

Après l’avoir alimentée dans ce nouvel état, on crut nécessaire de la réveiller et elle retomba immédiatement dans sa maladie précédente. Inerte, insensible, incapable de s’alimenter ou d’uriner, elle présentait simplement un trouble de plus, c’est qu’elle avait tout à fait oublié ce qui s’était passé pendant la période précédente. Néanmoins, grâce à ces somnambulismes artificiels, on put très facilement l’alimenter et lui faire reprendre ses forces. Mais il fut toujours impossible de l’amener à se nourrir dans la période considérée comme normale qui réapparaissait toujours après le réveil. Si bien qu’on se fatigua de l’endormir ainsi à chaque repas, ce qui était fort long, et qu’on la laissa des journées entières dans l’état artificiel. Il n’en résultait en apparence qu’un grand bien, puisque pendant toute la journée elle mangeait et urinait, présentait une sensibilité, une activité et une mémoire beaucoup plus complètes. Un jour ses parents la trouvant dans ce bel état artificiel la considérèrent comme guérie et la sortirent de l’hôpital.

Tout alla bien pendant les premiers jours; mais après quelques semaines, à l’occasion de règles, elle ressentit une sorte de bouleversement et se réveilla spontanément. C’est-à-dire qu’elle rentra dans l’état de dépression d’abrutissement d’où elle avait été tirée, mais en présentant en plus un oubli portant cette fois sur des semaines entières. Elle fut très troublée de se retrouver chez elle sans comprendre comment elle avait quitté l’hôpital et elle recommença