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et des formes variées des deux formes simples précédentes. Dans ces cas complexes survient d’ordinaire une nouvelle influence dont il faut se défier car elle complique fort les choses. Je veux parler de l’influence de l’observateur lui-même, qui finit par trop bien connaître son sujet et par être trop bien connu de lui. Quelles que soient les précautions que l’on prenne, les idées de l’observateur finissent par influer sur le somnambulisme du sujet et par lui donner souvent une complication artificielle. Quoi qu’il en soit, on doit ajouter l’étude de ces cas complexes aux deux formes simples que nous avons signalées pour comprendre tout le développement que peut prendre ce singulier phénomène du dédoublement de la personnalité chez les hystériques.

Pour interpréter ces singuliers phénomènes, je voudrais ajouter ici une de mes propres observations qui ne diffère des précédentes que par un petit détail singulier, c’est que la double existence a été en grande partie produite artificiellement. En 1887, une jeune femme de vingt ans , que j’ai souvent décrite dans d’autres ouvrages sous le nom de Marcelline, entra à l’hôpital dans un état lamentable. À la suite d’anorexie hystérique et de vomissements incoercibles, elle était depuis plusieurs mois réduite à l’inanition complète; en outre elle n’avait plus aucune fonction d’évacuation et était incapable d’uriner spontanément. Il faillait la sonder pour retirer quelques gouttes d’urine. Incapable de se tenir debout, complètement insensible sur toute le surface de la peau et sur toutes les muqueuses, elle entendait très mal, voyait extrêmement peu et restait constamment dans une sorte d’état d’abrutissement. Ne parvenant pas à l’alimenter autrement, on a été amené à essayer l’effet des pratiques hypnotiques : après quelques tentatives, il fut facile de la faire entrer dans un état singulier qui paraissait momentané