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nous appelons en France « la Dame de Mac Nish ». Cette erreur, toute absurde qu’elle soit, nous montre qu’il s’agit d’une observation très ancienne et très vaguement connue. C’est peut-être pour cela que le fait nous est présenté avec une simplicité qui nous étonne et que nous ne retrouvons plus dans nos observations d’aujourd’hui; en passant de bouche en bouche, le fait a dû se simplifier beaucoup. Quoi qu’il en soit, voici l’histoire résumée de Mary Reynolds ou de « la Dame de Mac Nish ».

Mary Reynolds était une enfant intelligente et calme, plutôt réservée et mélancolique, mais d’une bonne santé apparente. Les troubles nerveux commencèrent vers l’âge de dix-huit ans par une syncope assez prolongée à la suite de laquelle elle resta cinq ou six semaines aveugle et sourde; le sens de l’ouïe revint tout d’un coup, le sens de la vue revint graduellement et tout entier. Nous n’avons pas à insister maintenant sur ces troubles sensoriels que nous avons déjà étudiés. Après une seconde syncope de dix-huit à vingt heures, elle se réveilla, en apparence avec tous ses sens, mais elle avait oublié toute sa vie antérieure et toutes les connaissances acquises antérieurement, il ne lui restait que la faculté de prononcer instinctivement comme un enfant quelques mots sans les comprendre. Il lui fallut tout rapprendre de nouveau : mais il faut reconnaître que l’éducation fut rapide, puisqu’au bout de quelques semaines elle savait de nouveau parler, lire et écrire. On remarqua qu’elle rapprit à écrire d’une façon bizarre : elle prenait sa plume maladroitement et commençait à copier de droite à gauche à la façon des Orientaux; elle garda toujours dans cette seconde existence une écriture renversée très différente de son écriture ordinaire. Dans cette seconde existence, son caractère était tout transformé; elle était devenue vive, joyeuse, ne s’effrayait plus de rien, courait les bois, jouait