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fort curieux et très instructifs car ils permettent de bien comprendre les somnambulismes.

Pour bien comprendre ce curieux phénomène des fugues, il est nécessaire de résumer d’abord quelques observations typiques. Voici un cas remarquable dont j’ai publié avec M. Raymond la description complète dans la Gazette des Hôpitaux, le 2 Juillet 1895. il s’agit d’un homme de 30 ans, P… toujours déséquilibré et déjà somnambule dans sa jeunesse, très impressionnable et souvent tourmenté par des idées fixes. Fatigué par des fièvres intermittentes et des excès de travail, il fut troublé outre mesure par des querelles de famille; son frère qui le jalousait venait de se fâcher contre lui et l’accusait d’actions malhonnêtes et déshonorantes. L’accusation n’était pas sérieuse et personne autour de lui ne s’en inquiétait, mais il en était déjà très tourmenté et cela le rendait distrait et sans volonté. C’est la période de rumination que nous connaissons.

C’est dans ces conditions que nous arrivons au 3 février 1895 : il était seul à Nancy, sa femme l’ayant quitté pour quelques jours, il venait d’achever un travail pénible et, pour se reposer un moment, il se rendit à un café où il était très connu. Dans l’après-midi qu’il passa en partie à ce café, avec des amis à jouer au billard, il but une tasse de café, deux verres de bière et un petit verre de vermouth que le patron de l’établissement voulait lui faire goûter. C’est lui qui nous raconte ces détails dont il garde un souvenir parfait. Il sait aussi qu’un de ses voisins entrant dans le café lui a dit que puisqu’il était seul chez lui, il devrait venir dîner avec eux et qu’il a accepté l’invitation. Tout semblait donc absolument correct et il a une mémoire très exacte de tout ce qui s’est passé. Il sortit de ce café vers cinq heures, disposé à aller dîner chez son voisin, mais à quelques pas de là, en traversant le pont Stanislas,