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de manger; les autres heureusement commencent à avoir peur et cèdent plus ou moins complètement. Beaucoup de ces sujets se rétablissent même après des pertes de poids tout a fait énormes, mais il n’en est pas moins vrai qu’un certain nombre succombe et qu’on a constaté un très grand nombre de morts déterminées directement ou indirectement par cette suppression de la faim et par ce refus d’aliments.

Chez les obsédés psychasténiques, on observe très souvent un refus analogue des aliments; mais ce symptôme a chez ces malades un caractère un peu différent sur lesquels nous auront à revenir, aussi doit-on le désigner par un autre terme, celui de sitiergie. Les malades qui presque toujours ont eu des accidents psychasténiques antérieurs sont troublés par des obsessions ou des phobies relatives à leur alimentation. Ce sont des scrupuleux qui ont horreur de manger la chair des animaux ou de se nourrir quand ils n’ont pas suffisamment gagné leur vie. Ce sont des honteux de leur corps qui ont peur de rougir après avoir mangé ou qui craignent d’engraisser, de s’enlaidir et de ne plus être aimés, ou bien encore qui craignent de se développer et de grandir, de ne plus être des enfants qu’on câline et qu’on excuse. Ce sont aussi des hypocondriaques qui ont peur de s’étouffer, de se dilater l’estomac, d’avoir des selles trop copieuses, etc. Tous essayent de réglementer et de restreindre leur alimentation : ils s’imposent certains aliments bizarres et refusent les autres. Leur résistance à l’alimen-tation est irrégulière, un jour ils mangent beaucoup et dévorent, puis pendant longtemps ils refusent tout aliment, souvent ils refusent de manger devant des témoins et consentent à manger seuls, ou bien ils se lèvent la nuit pour manger en cachette des restes malpropres, car ils ne peuvent plus résister à la faim qui les torture. L’évolution du mal est à peu près la même que dans les cas précédents, mais elle