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Il semble au sujet que tout ce qui est à droite devrait être à gauche et réciproquement. C’est là un phénomène qui se rapproche plus qu’on ne le croit de l’allochirie des hystérique[1].

Enfin, ces sujets en arrivent souvent à des sentiments de surdité et de cécité. Il se plaignent d’être aveugles, quoiqu’ils voient parfaitement clair, parce qu’il leur semble que leur vue est anormale, bizarre, que ce n’est pas la vue naturelle qu’ils devraient avoir.

De tels troubles de perception s’appliquent à la perception intérieure de notre corps et de notre personne comme à celle des objets extérieurs. C’est là le trouble dont Krishaber, en 1873, avait voulu faire une maladie spéciale sous le nom de névrose cérébro-cardiaque. « Au mois de juin 1874, écrit un malade, j’éprouvais à peu près subitement un changement dans la façon de voir, tout me parut drôle, étrange, bien que gardant les mêmes formes et les mêmes couleurs. Cinq ans après, je sentis que le trouble s’appliquait à moi-même, je me sentis diminuer, disparaître : il ne restait plus de moi que le corps vide. Depuis cette époque ma personnalité est disparue d’une façon complète et malgré tout ce que je fais pour reprendre ce moi-même échappé, je ne le puis. Tout est devenu de plus en plus étrange autour de moi, et, non seulement je ne sais ce que je suis, mais je ne puis me rendre compte de ce qu’on appelle l’existence, la réalité. » Ce sont là les sentiments de dépersonnalisation qui prennent toute espèce de formes, depuis la simple étrangeté de nous-mêmes jusqu’au sentiment que nous sommes disparus, ou que nous sommes remplacés par un autre. « Ce n’est plus moi qui marche, ce n’est plus moi qui mange, ce n’est plus

  1. Le renversement de l’orientation ou l’allochirie des représentations, Journal de psychologie, 1908, p. 89; sur un cas d’allochirie, Névroses et idées fixes, I, p. 234.