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5. - Les dysgnosies psychasténiques.


Malgré la remarque que nous venons de faire, nous ne rencontrons pas chez ces malades de véritables anesthésies analogues à celles que nous avons observées chez l’hystérique. Tout au plus peut-on noter dans certains cas des engourdissements à la douleur, au froid, au chaud qui dépendent nettement d’un état d’indifférence et de distraction. On note aussi des troubles des perceptions supérieures, de l’inintelligence de la lecture ou de la parole entendue, le défaut de perception d’une situation donnée. Mais ce sont là plutôt des troubles de l’attention que de véritables insensibilités.

Ce qui correspond chez eux aux anesthésies hystériques ce sont à mon avis certains sentiments pathologiques qui se développent à propos de la perception des objets extérieurs. Le malade nous paraît sentir correctement, il peut dire quel objet qu’on lui montre, mais dans sa conscience il n’est pas satisfait de cette perception et il éprouve à propos d’elle toute espèce de sentiments bizarres. Il sent que son attention est difficile et pénible, qu’il est constamment distrait, qu’il ne peut penser à ce qu’il entend : « Il paraît que j’entends, puisque je réponds à peu près convenablement, mais il me semble que je n’ai rien compris ». La perception ainsi faite lui paraît changée, tout ce qu’il voit, tout ce qu’il entend lui paraît étrange, on dirait que les choses lui apparaissent pour la première fois. Quelquefois il se plaint que les choses lui donnent l’impression d’être très loin et très petites. M. Bernard Leroy me semble bien décrire ce phénomène quand il dit « qu’il s’agit moins d’un éloignement matériel que d’un éloignement moral : l’illusion de la vue se trouve sous la dépendance de l’impres-sion d’éloignement, d’isolement,