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jeunes conscrits soumis à l’examen du conseil de révision. Des expériences ingénieuses comme celles de la double image de Brewster, des lettres colorées de Snellen, de la boîte de Flees ont mis en évidence un fait inattendu, c’est que cet œil amaurotique de l’hystérie ne voit rien quand il est seul, mais qu’il voit très bien quand la vision se fait avec les deux yeux ouverts simultanément. En un mot, ce trouble semble être l’inverse du précédent, c’est ici la vision monoculaire d’un seul œil qui est perdue, tandis que subsiste la vision binoculaire. Ces deux visions, monoculaire et binoculaire, dont l’existence est à peine soupçonnée par l’individu normal, peuvent se séparer dans cette névrose et tantôt l’une, tantôt l’autre subsiste isolément.

Enfin, le trouble de la fonction visuelle peut être beaucoup plus considérable et porter sur l’ensemble de la vision; en d’autres termes, il détermine la cécité hystérique. Le phénomène est rare, car il semble que le sujet conserve toujours, autant que possible, les fonctions essentielles et qu’il ne perde qu’une partie de la vision. Cependant, cet accident a été constaté bien souvent : dans les travaux de Lepois, en 1618, cette cécité était déjà signalée, on en retrouve souvent la description dans les œuvres des oculistes français comme Landolt Borel, Parinaud. Le plus souvent, cette cécité totale se produit à la suite d’accidents et elle rentre dans les phénomène de l’hystérie traumatique. Voici les deux derniers cas que j’ai observés. Un homme de trente-huit ans travaillait à nettoyer une machine quand un chiffon plein de graisse et de pétrole pris dans un engrenage vient le fouetter sur la figure. La face fut simplement salie et le malade fut le premier à rire de l’accident. Il alla se laver mais il eut beaucoup de peine à débarrasser la peau et les paupières de ces substances grasses. Il faut noter que rien n’était entré dans les yeux et qu’il n’en