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hommes, cette aboulie sociale me paraît l’essentiel de la timidité. Comme je l’ai déjà remarqué en parlant du langage, il ne faut pas croire que le timide soit, en réalité, capable d’accomplir l’action et qu’il soit simplement arrêté par l’émotion. L’acte que le malade exécute, quand il est seul, n’est pas du tout le même que celui qu’il a à exécuter en public, et sa timidité consiste réellement en une impuissance, une incapacité à faire un acte particulier, qui est justement cette action, dans les conditions spéciales que crée la présence des témoins.

On observe encore chez les psychasténiques des aboulies professionnelles, le dégoût énorme du métier qui semble plus fatigant que tout autre, ridicule et honteux. C’est que le métier est encore l’ensem-ble d’actions le plus considérable pour les hommes qui agissent peu; c’est là que l’aboulie commence a se faire sentir. Il est intéressant de remarquer que l’une des premières aboulies qui aient été décrites, celle du notaire Billod, est une aboulie professionnelle; ce sont les papiers de son étude que le malade ne peut plus signer. Enfin, cet arrêt, cette inhibition de l’acte peut s’appliquer à toutes sortes d’actions qui, après avoir longtemps paru difficiles, automatiques, incomplètes au malade, finissent par ne plus s’exécuter du tout.

C’est à ce moment que se présentent les phénomènes secondaires de l’agitation et de l’angoisse et que les phobies précédentes sont constituées. Il suffit de faire comprendre au malade qu’il est dispensé d’exécuter l’acte, qu’il n’a plus à parler, à écrire, à marcher pour qu’aussitôt il se calme. L’angoisse ne venait qu’à la suite des efforts impuissants pour aboutir à l’action. Inversement, on peut guérir l’angoisse et la phobie par une autre méthode bien plus avantageuse : si on arrive, en aidant le malade, en l’encourageant, en l’excitant à lui faire exécuter l’action devant laquelle