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Tous nos malades tiennent le même langage; les mots machines, automates, mécaniques reviennent constamment dans leur langage : « Je ne suis qu’une machine et je dois faire des efforts bien pénibles pour rester quelqu’un. »

Un degré de plus dans ce sentiment d’absence d’action personnelle, d’automatisme, et les malades vont dire que quelque puissance extérieure pèse sur eux et détermine leurs actes; en un mot, ils vont attribuer à des volontés étrangères l’action qu’ils ne sentent plus en rapport avec leur propre volonté; de là, beaucoup de sentiment bizarres, comme le désir fou d’une liberté illimitée, la peur d’être dominé, le sentiment d’un pouvoir irrésistible et mystérieux et souvent de véritables idées de persécution.

Dans bien des cas, le trouble de l’action se développe encore davantage : non seulement l’acte s’accompagne de tous ces sentiments de mécontentement et d’insuffisance, mais il devient de plus en plus difficile, sinon impossible. Certaines catégories d’actes disparaissent les premières, tandis que d’autres, en apparence voisines, sont encore à peu près exécutées. Ainsi, on voit disparaître toute action un peu nouvelle, toutes celles qui demandent une adaptation à des circonstances nouvelles : on constate que tous ces individus sont des routiniers recommençant indéfiniment avec ennui et tristesse la même existence monotone et incapables d’aucun effort pour la changer. Ils ont une peine énorme à rompre des habitudes une fois acquises et ils sont incapables d’en acquérir de nouvelles en s’accoutumant à une situation nouvelle.

Après les actes nouveaux, il y a une catégorie d’actes qui sont très fréquemment supprimés, ce sont les actes sociaux, ceux qui doivent être accomplis devant quelques personnes ou qui, dans leur conception, impliquent la représentation de quelques-uns de nos semblables. Cette impuissance à agir devant les