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agir qu’une bonne fée ait tout mis en ordre d’un coup de baguette ».

Si cependant il essayent d’avancer, ils n’arrivent jamais à une décision ferme et ils ne peuvent jamais savoir s’ils veulent telle action plutôt qu’une autre. J’ai raconté ailleurs l’histoire de cette jeune fille qui travaillait à fabriquer des fleurs de porcelaine. Le premier signe de sa maladie fut qu’elle gagnait moins d’argent dans la journée, parce qu’elle faisait plus lentement ses pétales de roses. Elle hésitait toujours entre deux plis ou deux courbes à adopter. Ce sentiment d’indécision s’accompagnait d’une sorte de petite douleur à la place du petit plaisir qu’elle avait autrefois à terminer un pétale et à le trouver joli. Chez d’autres malades, le sentiment de décision est remplacé par un sentiment de gêne, de résistance à l’action : ce sentiment peut plus tard se préciser et les malades vont prétendre que c’est telle ou telle manie, telle ou telle phobie, telle ou telle idée qui les gêne pour agir; mais il est visible, au début, qu’ils ne savent pas eux-mêmes ce qui les gêne et les arrête.

Dans la décision, il y a, comme nous l’avons remarqué, un sentiment de possession, de personnalité, puisque l’action nous semble adoptée par nous-mêmes : on ne sera pas surpris de voir ce sentiment manquer totalement chez certains scrupuleux. C’est ce qui produit le sentiment d’automatisme dont l’importance, dans les maladies mentales, est, à mon avis, tout à fait considérable. Le malade de Ball décrit très bien cette impression : « Dans cet état atroce, il faut cependant que j’agisse comme avant, sans savoir pourquoi. Quelque chose qui ne me paraît pas résider en moi me pousse à continuer comme avant et je ne puis pas me rendre compte que j’agis réellement, tout est mécanique en moi et se fait inconsciemment[1].

  1. BALL. Revue scientifique, 1882, II, 43.