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secousses de tous les muscles; tout cela est indifférent, l’essentiel c’est que l’acte ne peut pas être signé. C’est toujours le trouble de l’action qui reste invariable et fondamental, et les angoisses s’y ajoutent comme un phénomène secondaire résultant d’une dérivation plus ou moins facile à expliquer.

Dans les cas typiques, cette interprétation se comprend bien, parce que l’acte est visiblement supprimé; mais, dans un grand nombre de cas, la discussion est beaucoup plus délicate, parce qu’il y a des phobies et des angoisses à propos d’actions qui nous semblent exécutées d’une manière à peu près correcte. Nous répétons au malade qu’il a tort d’avoir peur, car il marche très bien, il fait très bien son métier. Eh bien! je crois qu’ici nous ne savons pas assez analyser l’exécution d’une action; nous la voyons du dehors, et il nous suffit d’en voir sommairement les résultats pour la croire bien exécutée. Le sujet, qui voit son action du dedans, qui en a conscience, n’est pas du tout de notre avis.

Depuis fort longtemps, avant même l’apparition des angoisses, il avait, à ce propos de son action, des sentiments très curieux : toujours il sentait que l’action n’était pas bien faite, qu’il lui manquait quelque chose, qu’elle était incomplète. Ces sentiments d’incomplétude[1] se présentent de bien des manières. Chez beaucoup de malades, on constate un sentiment exagéré de la difficulté de la tâche. L’action, qui demande de tels efforts, leur semble d’ailleurs inutile et bête : « À quoi bon » est un refrain qui joue un grand rôle dans leurs gémissements. Ils sentent qu’à eux seuls ils n’arriveront jamais au bout de l’acte, ils font toujours appel à une puissance mystérieuse qui les débarrasserait de l’action et surtout de la complexité d’une action donnée : « J’attends pour

  1. Obsessions et psychasténie, I, p. 264.