Page:Janet - Les névroses, 1909.djvu/174

Cette page n’a pas encore été corrigée

c’est la phobie qui empêche l’acte. Ce n’est pas du tout mon avis, et ma thèse sur ce sujet a consisté à renverser ces termes. La prétendue peur est, en réalité, un ensemble de phénomènes pénibles, constitués par des agitations viscérales, surtout respiratoires, et par toutes sortes d’agitations mentales. Ces phénomènes sont douloureux, ils s’accompagnent de grandes manifestations émotionnelles, aussi les considère-t-on comme très importantes; mais, en réalité, ils sont secondaires et dissimulent d’autres troubles plus profonds.

Ce qui semble le démontrer, c’est leur extrême variabilité. Chez le même sujet, ces angoisse peuvent prendre bien des formes : tantôt il s’agit d’étouffements, tantôt de palpitations de cœur, tantôt de sueurs profuses, tantôt de vertiges; souvent même ces troubles viscéraux peuvent disparaître et être remplacés par des phénomènes tout différents, par de l’agitation mentale. Le sujet, au lieu d’avoir une respiration haletante, reste tranquille et très calme; mais il se met à rêver indéfiniment, à combiner dans sa tête toutes sortes de raisonnements compliqués. Ou bien encore le même sujet peut avoir, à la place de l’angoisse respiratoire, des crisses d’agitation motrice, des besoins de marcher indéfiniment ou de parler à tort ou à travers. On obtient très facilement ces changements; mais il est facile de voir que le sujet n’est pas guéri quand on a remplacé les angoisses respiratoires par de l’agitation motrice ou par de la rumination mentale. La maladie restent exactement la même; pourquoi cela? Parce qu’au fond un phénomène essentiel est resté immuable, c’est qu’il y a toujours une action qui aurait dû être faite et que le sujet n’arrive pas à faire. Quand le notaire de Billod se trouve en présence d’un acte à signer, il peut avoir des angoisses respiratoires ou cardiaques, d’interminables obsessions de scrupules, ou des tics et des