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membres inertes et ne se rendent pas compte de la position qu’on leur donne quand on les déplace. Ces troubles de la sensibilité méritent une étude spéciale qui sera faite dans le chapitre suivant, mais il faut constater ici qu’il s’agit là d’un nouveau phénomène psychologique qui s’ajoute souvent à la paralysie hystérique.

L’indifférence du malade dépend ici, semble-t-il, de certains troubles curieux de la mémoire et de l’imagination. Quand on interroge ces personnes, on voit qu’elles n’ont pas conservé la mémoire de leurs membres. Elles semblent ne plus bien savoir ce que faisait ce membre paralysé et elles ne peuvent plus réaliser les efforts d’imagination pour le concevoir. C’est M. Féré qui a, l’un des premiers, insisté sur ce point. « Après avoir fermé les yeux de la malade, dit-il, je la prie de chercher à se représenter sa main gauche exécutant des mouvements d’extension et de flexion. Elle en est incapable. Elle se représente bien la droite exécutant des mouvements très compliqués sur le piano, mais à gauche il lui semble que son bras se perd dans le vide; elle ne peut même pas s’en représenter la forme. » J’ai vérifié une dizaine de fois cette remarque; cette absence de représentation et de mémoire du membre paralysé est souvent une des choses les plus typique[1]. Beaucoup d’auteurs l’ont également remarquée; voici, par exemple, ce que disait un auteur anglais, M. Bastian, qui a d’ailleurs de l’hystérie une toute autre conception que nous : « Quand on lui demande si elle peut imaginer qu’elle touche le bout de son nez avec le doigt gauche, elle répond tout de suite oui; si on lui demande d’imaginer les mêmes mouvements avec l’autre main paralysée, elle hésite et finit par répondre : non. Elle peut s’imaginer jouer du piano de la

  1. Automatisme psychologique, p. 347, 362; État mental des hystériques, II, p. 117.