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le soir, à la nuit tombante, ou , au contraire, par une journée de grand soleil, afin que son teint écarlate n’ait rien d’extraordinaire. S’il est pris à l’improviste, il s’essuiera la figure avec son mouchoir, se mouchera, fera semblant de ramasser un objet sous un meuble ou ira regarder par la fenêtre afin de dissimuler la rougeur qui vient. Parfois il recourt à la poudre de riz, plus souvent à l’alcool; il espère par ce dernier moyen noyer sa coloration morbide dans celle de l’éthylisme. Pour un motif analogue il supplie le médecin ou le pharmacien de lui donner une drogue qui lui teigne le visage en rouge. Il cherche et combine dans sa tête tous les moyens de remédier à son mal. Cette crainte perpétuelle, cette incertitude, à chaque instant, du moment qui va suivre, retentit sur tout son caractère, l’aigrit, l’irrite. La vie pour l’éreutophobe est un véritable calvaire : à chaque pas, il voudrait en avoir fini avec cette insupportable existence et va jusqu’à maudire l’être qui lui a donné le jour ».

Des troubles du même genre peuvent être déterminés par une cicatrice au visage, par une malformation quelconque, plus ou moins réelle. Mais le caractère essentiel qui se retrouve toujours dans ces phénomènes terrifiants, c’est le fait d’être devant des hommes , d’être en public, d’avoir à agir en public. Aussi on pourrait ranger dans le même groupe les phobies du mariage qui sont si fréquentes, les phobies de certaines situations sociales comme celles de professeur, de conférencier, la peur des domestiques, la terreur du concierge, etc… Toutes ces phobies sont déterminées par la perception d’une situation sociale et par les sentiments auxquels cette situations donne naissance[1].


  1. Obsessions et psychasténie, I, p. 201.