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de lever la jambe, de la plier, de la tourner à droite ou à gauche, ils accomplissaient exactement tout ce qu’on leur disait de faire; bien plus ils semblaient avoir conservé une très grande force, tout à fait suffisante et comparable à la force normale. Alors, dira-t-on, ils n’avaient aucun trouble du mouvement des jambes : ils étaient cependant tout à fait incapables de marcher. Dès qu’on essayait de les mettre debout sur le sol, ils fléchissaient, ils contorsionnaient leurs jambes, ils les lançaient de tous les côtés à tort et à travers et ils finissaient par tomber sans avoir fait un pas; cette impuissance singulière se prolongeait pendant des semaines et des mois. Ces malades semblaient réaliser ce paradoxe de n’avoir aucune paralysie des jambes et de ne pas pouvoir marcher. Chez quelques-uns de ceux qu’a décrits Charcot, la comédie était plus complète encore; ils étaient capable d’accomplir avec leurs jambes certains actes particuliers qui semblaient très compliqués, ils pouvaient sauter, danser, marcher à cloche-pied, courir, mais ils tombaient par terre dès qu’ils essayaient de marcher; la marche simple et correcte était la seule chose qu’ils ne pouvaient plus faire. Pendant quelque temps ce symptôme bizarre qu’on appelait l’astasie-abasie hystérique resta à peu près isolé; mais bientôt il fallut reconnaître qu’il y avait beaucoup de paralysies analogues à celles-là et que les paralysies systématiques étaient même assez fréquentes. Certains sujets peuvent encore marcher et ne peuvent pas se tenir debout, d’autres perdent certaines fonctions des mains. Par exemple ils oublient souvent leur métier; une couturière ne sait plus coudre, quoiqu’elle n’ait aucune paralysie de la main, une blanchisseuse ne sait plus tenir le fer à repasser, ou, ce qui est très fréquent, les jeunes filles ne savent plus du tout écrire ou jouer du piano. On a montré autrefois des faits du même genre à propos des fonctions