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fond de toutes les manies mentales, détermine la célèbre manie de la répétition. Cette malade se lève de sa chaise, puis se rasseoit, puis se relève, se rasseoit encore et ainsi indéfiniment. Cette autre rouvre et ferme la porte dix fois de suite pour s’assurer qu’elle est bien fermée, ou va cent fois de suite fermer et ouvrir le bec de gaz. Ce besoin du recommencement, du retour en arrière peut s’appliquer aux choses les plus invraisemblables et j’ai eu à soigner une femme qui, avant de s’endormir, se relevait de son lit soixante fois de suite pour aller aux cabinets et vérifier si elle avait bien complètement uriné. Elle était épuisée de froid et de fatigue avant de pouvoir arrêter ce manège.

Souvent les malades ne se bornent pas à répéter l’acte, ils cherchent à le perfectionner, à le rendre plus complet. Ils inventent des trucs, des procédés pour mieux faire l’action. On en connaît qui inventent ainsi des systèmes pour tenir la plume d’une façon bizarre, pour bien parler, pour bien fumer, pour bien respirer : « En tout j’aspire à l’idéal, je creuse le sujet et je le dissèque à fond ». Aussi ce pauvre homme en vient-il à vouloir avaler une goutte d’eau entre chaque respiration : perpétuellement, il crache, il rote, il fait des grimaces de la façon la plus dégoûtante. Beaucoup de bégaiement, de contorsions de la face, de démarches bizarres chez les enfants sont des perfectionnements de ce genre.

Dans un autre groupe, le phénomène mental qui accompagne le tic est un peu différent, le malade se sent poussé à accomplir le mouvement, non pour faire mieux quelque chose, mais pour compenser quelque chose de fâcheux, pour se défendre contre une influence nuisible. Quand les nécessités de la politesse ont contraint Jean, bien malgré lui, à toucher la main d’une femme, il lui faut pour compenser toucher bien vite la main d’un homme. Quand il est entré à l’église