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intervenir une cause organique pour comprendre que le chagrin puisse produire la folie. Le lien entre ces deux faits est immédiat, et il est même possible d’en saisir la trace dans l’état normal. Si je viens à ressentir une grande douleur morale dans le moment où je suis occupé d’un travail intellectuel, je deviens încapable de le continuer, et si je veux m’y forcer, je ne sens mes idées ni si vives, ni si faciles, ni si suivies qu’auparavant. Une passion exclusive rend les actes raisonnables plus pénibles à accomplir. C’est là un rapport psychologique, et non organique. Supposez que ce trouble superficiel devienne plus profond, que mon libre arbitre soit suspendu, que mes idées, affranchies de leur discipline habituelle, se produisent fatalement, suivant une sorte d’automatisme : me voilà sur le chemin de la folie. Que ce délire momentané devienne chronique, c’est la folie même. Or, dans cette génération de faits, où est la nécessité d’une altération organique ? Chacun sort de l’autre par la puissance propre de l’âme, et en vertu des lois d’association ou de répulsion qui président au développement des phénomènes moraux.

Je sais ce que l’on peut répondre, et M. Lemoine a trop de perspicacité pour n’avoir pas prévu cette objection et essayé de la résoudre. Selon lui, rien n’est plus simple. Le trouble moral commence à la vérité dans l’âme, mais il amène à sa suite un trou-