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fendu cette doctrine avec beaucoup d’habileté et de vigueur. Je ne sais si l’on peut dire que l’âme d’un fou est malade, mais à coup sûr elle ne me paraît pas bien portante. La folie est un désordre très-positif de l’entendement, une perversion des affections morales. Appelez ce désordre comme il vous plaira, je l’appelle une maladie, et si vous reconnaissez l’âme comme le principe qui pense et qui sent, je ne vois pas ce qui empêche de dire que l’âme est malade lorsqu’elle pense et sent d’une manière absurde[1]. Que l’origine de la folie soit ou non dans les organes, toujours est-il qu’elle finit par pénétrer jusqu’à l’âme, car on ne peut nier qu’elle n’atteigne l’entendement et la sensibilité ; or ce sont là certainement des facultés de l’âme. Que la maladie soit consécutive ou qu’elle soit essentielle, comme disent les médecins, toujours est-il que l’âme en est affectée. Il n’est donc pas contraire à la nature des choses que l’âme soit malade, et ce principe ne peut nous servir à rien pour

  1. Un médecin philosophe, M. Durand (de Gros), dans un livre d’ailleurs distingué (Essai de physiologie philosophique), s’est étonné de cette proposition, et y a vu une sorte de concession au matérialisme. Mais je ne vois pas quel avantage le matérialisme pourrait tirer de cette concession, à moins de poser en principe que toute maladie est une maladie du corps, et c’est précisément ce qui est en question.