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mais, hélas ! la nature se substituant à l’art, fait en quelque sorte à notre place de tristes expériences, lorsque, sous l’influence des causes les plus diverses, elle trouble, elle bouleverse, elle anéantit chez l’homme le sentiment et la raison. C’est ce qui a lieu dans ce cruel et mystérieux phénomème que l’on appelle la folie, ce désordre si étrange que quelques médecins mystiques ont voulu y voir une expiation et un châtiment de nos péchés et de nos passions[1]. Il semble qu’une si triste expérience devrait avoir au moins l’avantage de jeter quelque lumière sur le problème que nous étudions, car si l’on découvrait dans quelles conditions se trouve le cerveau lorsque la pensée s’égare, on pourrait induire de là, par opposition, les conditions normales de l’exercice de la pensée. La folie par malheur, bien loin d’éclaircir ce mystère, y introduit des obscurités nouvelles et plus profondes encore.

C’est d’abord un fait reconnu par les médecins les plus judicieux et les plus éclairés que l’anatomie pathologique, dans les maladies cérébrales, est pleine de piéges, de mystères, de contradictions. « On peut poser en principe, dit M. Jules Falret qui dans la médecine mentale soutient dignement le nom paternel, que les lésions les plus légères

  1. Doctrine d’Heinroth, célèbre médecin aliéniste de l’Allemagne.