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l’être humain, dans les conditions actuelles où il est placé, ne puisse pas penser sans cerveau. La pensée résulte du conflit qui s’établit entre les forces cérébrales dépositaires des actions extérieures et la force interne ou force pensante, principe d’unité, seul centre possible de la conscience individuelle. En ce sens, il n’est pas inexact de dire que la pensée est une résultante, car elle n’existe en acte qu’à la condition que le système cérébral auquel elle est liée soit dans un certain état d’équilibre et d’harmonie. Si l’organe des images et des signes est altéré ou bouleversé, la force pensante ne peut pas à elle toute seule exercer une fonction qui, selon les lois de la nature, exige le concours de forces subordonnées. On voit en quel sens le cerveau peut être appelé l’organe de la pensée.

Mais, s’il en est ainsi, le doute le plus grave vient envahir l’âme et la jeter dans un abîme de mélancolique rêverie. Si le cerveau est l’organe de l’imagination et de la mémoire, comme l’expérience semble bien l’indiquer, si l’âme ne peut penser sans signes et sans images, c’est-à-dire sans cerveau, qu’advient-il le jour où la mort, venant à dissoudre non-seulement les organes de la vie végétative, mais ceux de la vie de relation, de la sensibilité, de la volonté, de la mémoire, semble détruire ces conditions inévitables de toute conscience et de toute pensée ? Sans doute l’âme n’est pas détruite par là