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spiritualistes s’ils savent eux-mêmes comment l’âme. pense, et si l’on est plus éclairé sur ce comment inconnu, en admettant un substratum occulte dont nul ne se fait une idée.

À cet habile subterfuge de l’école matérialiste, il me semble que le duc de Broglie a très-pertinemment répondu, dans son savant examen de la philosophie de Broussais[1] : « Il ne s’agit point, dit-il, de savoir comment on pense, mais qui est-ce qui pense ; ce n’est pas la question du quomodo, c’est la question du quid. » Rien n’est mieux dit. Sans doute, nous ne savons pas le comment de la pensée ; mais nous savons de toute certitude qu’il ne peut y avoir une contradiction explicite entre la pensée et son sujet. La pensée, qui a pour caractère fondamental l’unité, ne peut être l’attribut d’un sujet composé, pas plus qu’un cercle ne peut être carré. Nous ne demandons donc pas aux matérialistes de nous expliquer comment le cerveau pourrait penser, de même que nous ne nous engageons pas à expliquer comment l’âme pense. Mais l’unité de la pensée étant incompatible à nos yeux, avec la supposition d’un substratum organique, nous disons qu’elle est l’attribut d’un sujet qui n’est pas organique, et dont le caractère essentiel est précisément l’unité.

  1. Le duc de Broglie, Œuvres, t. II.