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pensée est une pensée ; l’un ne peut pas être l’autre. Le mouvement est quelque chose d’objectif, d’extérieur, c’est la modification d’une chose étendue, figurée, située dans l’espace. Au contraire, il m’est impossible de me représenter la pensée comme quelque chose d’extérieur : elle est essentiellement un état intérieur. Par la conscience, je ne puis saisir en moi ni forme, ni figure, ni mouvement, et par les sens, au contraire, qui me donnent la figure et le mouvement, je ne puis saisir la pensée. Un mouvement peut être rectiligne, circulaire, en spirale : qu’est-ce qu’une pensée en spirale, circulaire ou rectiligne ? Ma pensée est claire ou obscure, vraie ou fausse qu’est-ce qu’un mouvement clair ou obscur, vrai ou faux ? En un mot, un mouvement pensant implique contradiction.

À la vérité, on peut retourner la formule de M. Moleschott, qui soutient cette théorie, et au lieu de dire : La pensée est un mouvement, on dira : Le mouvement est une pensée ; mais cette seconde proposition est le renversement de la première. Loin d’expliquer la pensée par la mécanique, on explique la mécanique par la pensée. Je ne suis pas porté à croire que cette seconde proposition soit plus vraie que la précédente. En tous cas, elle est préférable, et nous n’avons pas à nous en occuper ici.