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moins jusqu’ici, et les expériences de M. Plateau ne nous paraissent jeter aucune lumière sur ce sujet. Au reste, lors même qu’on croirait expliqué physiologiquement le phénomène de la mémoire, on n’aurait pas encore atteint jusqu’à l’intelligence elle-même. Car qui ne sait la différence qu’il y a entre l’intelligence et la mémoire ? L’homme qui sait le plus de choses n’est pas celui qui les comprend le mieux. L’enfant retient avec une facilité étonnante ce qu’il est incapable de comprendre. Dans l’état de folie et même de démence, la mémoire automatique est quelquefois conservée avec une parfaite intégrité, comme le prouve le fait cité plus haut[1]. La liaison logique des idées est tout autre chose que la connexion constante des sensations ; autrement la science se confondrait avec la routine. Que l’on explique l’invention scientifique, les créations du poëte et de l’artiste, la spontanéité du génie, dans l’hypothèse où la pensée se réduirait à la mémoire. Le mécanisme de la mémoire n’expliquerait donc pas la pensée proprement dite. La physiologie elle-même, par l’organe de ses plus grands maîtres, n’hésite pas à reconnaître la profonde ignorance où nous sommes encore, où nous serons peut-être toujours, sur les fonctions cérébrales. « Les fonctions du cerveau, dit Cuvier,

  1. Voyez p. 139, 140.