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À ces faits si intéressants rapportés par M. Baillarger, qu’on nous permette d’en ajouter un tout voisin de ceux-là, et qui les confirme. Dans une visite faite il y a quelques années à l’asile de Stéphansfeld, en Alsace, nous eûmes occasion de voir un vieux desservant, âgé de soixante-dix ans, et arrivé à un état très-avancé de démence. Il était incapable de prononcer distinctement deux mots ayant un sens : c’était à peine un bégayement. Si cependant on faisait appel à sa mémoire verbale, il était capable de réciter, soit la fable de La Fontaine, le Coche et la Mouche, soit le célèbre exorde du P. Bridaine, et cela avec la plus parfaite netteté d’articulation et avec le ton le plus juste et le plus approprié, quoique évidemment il fût devenu incapable de comprendre un seul mot de ce qu’il disait. Dans ce cas, la mécanique mnémonique était restée saine sur un point particulier, et il suffisait d’y toucher pour la faire jouer. Quelque intéressants que soient par eux-mêmes les faits que nous venons de rapporter, il est difficile d’en tirer une théorie générale, et c’est assez arbitrairement qu’on désigne des phénomènes si différents sous le nom général d’aphasie, à moins qu’on ne convienne que c’est là une étiquette purement arbitraire, qui sert à dénommer tous les troubles, de quelque nature qu’ils soient, qui peuvent affecter les rapports du langage et de la