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disait les choses les plus inconvenantes, les injures les plus grossières, en faisant le geste gracieux d’une personne qui invite quelqu’un à s’asseoir ; et c’était en effet ce qu’elle voulait qu’on fit. Quelquefois il y a un désaccord absolu entre la pensée et le vocabulaire, et, quoiqu’il soit assez impropre d’appeler aphasie ce genre de désordre, puisque ces sortes de malades parlent et parlent beaucoup, le fait n’en est pas moins curieux et assez voisin des précédents. « Il y a dans mon service, dit M. Baillarger, une femme qui ne peut nommer aucun des objets les plus usuels ; elle ne peut même dire son propre nom…… Elle a conscience de son état et s’en afflige… Cependant elle prononce une foule de mots incohérents, en les accompagnant de gestes très-expressifs qui prouvent que derrière cette incohérence il y a des idées bien déterminées qu’elle veut exprimer[1] »

M. Baillarger a également appelé l’attention sur un fait très-important dans l’histoire de l’aphasie, c’est que, dans beaucoup de cas, l’impuissance de s’exprimer est beaucoup plutôt une impuissance de la volonté que de la faculté même du langage. Ces mêmes mots, que les malades ne peuvent prononcer, quand ils le veulent, sont prononcés au contraire avec une grande facilité, quand ils se pré-

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