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Un célèbre professeur de Montpellier, M. Lordat, a eu une attaque d’aphasie, pendant laquelle, à ce qu’il assure, il pouvait préparer ses leçons et disposer ses arguments, sans pouvoir prononcer un seul mot. Dans ce cas, le langage mental était conservé sans aucun doute ; la manifestation extérieure était seule paralysée. Autrement comment concevoir qu’on puisse préparer une leçon sans mots ? Même l’aphasie extérieure est plus ou moins circonscrite. L’un continuera à parler des idées qui lui sont le plus familières et de sa science habituelle, et perdra le souvenir des mots les plus ordinaires, comme chapeau, parapluie[1]. — Un autre perdra la mémoire de toute une classe de mots ; par exemple, des substantifs, un autre des verbes[2] ; un autre terminera tous ses mots par la même syllabe : il dira bontif pour bonjour, ventif pour vendredi.

On peut rapprocher des cas précédents ce que l’on appelle la substitution de mots, un malade ne trouvant pour s’exprimer que des mots absolument opposés à la pensée qu’il veut rendre : « Une dame

    d’une manière plus précise, en demandant aux malades qui ont conservé, par exemple, la faculté de l’écriture, s’ils ont conscience de penser par le moyen des mots, et si l’impuissance de trouver ces mots est intérieure aussi bien qu’extérieure.

  1. Trousseau, p. 654.
  2. Bouillaud, p. 122.