Page:Janet - Le cerveau et la pensee, 1867.djvu/145

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nom ; on lui demande d’écrire le petit nom de sa femme, il écrira « Paquet, » le nom du mois « Paquet, » etc., comme une mécanique qui, une fois montée, fait toujours le même mouvement.

Un fait bien remarquable cité par M. Trousseau, témoigne que l’on peut conserver la faculté d’écrire et perdre celle de lire. Un négociant de Valenciennes, qui vient voir M. Trousseau, écrit devant lui « Je suis bien heureux, monsieur, d’être venu vous voir ; » et il ne peut relire la phrase qu’il vient de tracer, ou du moins il ne peut lire que le dernier mot ou la dernière syllable. M. Trousseau, en citant ce fait extraordinaire, ajoute avec raison : « Aucun psychologue n’aurait osé porter l’analyse jusqu’au point d’isoler la faculté d’écrire de celle de lire. Ce que la psychologie n’eût pas osé faire, la maladie l’a réalisé. » M. Trousseau essaye d’expliquer ce fait en disant que ce malade a conservé la mémoire de l’acte et qu’il a perdu celle du signe ; mais l’acte lui-même est un signe, et ce malade ne l’emploie pas au hasard, il s’en sert parfaitement et correctement pour exprimer sa pensée, ce qui est le caractère essentiel du signe. Je dirais plutôt que ce malade a conservé la faculté expressive, et qu’il a perdu la faculté interprétative. Autre chose est exprimer, autre chose est interpréter. L’enfant nouveau-né, qui exprime sa douleur par des cris, ne comprend pas encore la signification des cris chez un