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dans le cœur qu’est le siége de l’affection. Si donc nous nous trompons en localisant dans le cœur les affections qui n’y sont pas, nous pouvons nous tromper en localisant la pensée dans la partie antérieure du cerveau[1]. D’ailleurs la localisation de l’intelligence dans les lobes antérieurs soulève de graves objections. M. Leuret, par exemple, fait observer qu’à mesure que l’on descend de l’homme aux animaux inférieurs, ce ne sont pas les parties antérieures du cerveau qui viennent à manquer, ce sont les postérieures, celles-là précisément où Gall localise les facultés animales. Pour répondre à cette difficulté, les phrénologues déplacent les facultés et les font marcher avec le cerveau ; mais, dit M. Leuret avec raison, si les organes peuvent ainsi se déplacer et aller d’arrière en avant, ils peuvent tout aussi bien aller d’avant en arrière, et alors pour-

  1. Je sais que M. Claude Bernard a essayé de réhabiliter le cœur. Il a montré qu’il n’y a pas une seule des émotions ou affections qui ne retentisse dans le cœur, et que les plus fugitives, les plus délicates impressions du cerveau se traduisent en altérations des battements du cœur. Ces faits sans doute sont extrêmement curieux toujours est-il que le cœur ne fait que recevoir le contre-coup de ce qui se passe dans le cerveau : c’est dans le cerveau qu’a lieu le phénomène initial, et de celui-là nous n’avons nulle conscience. (Voyez la conférence de M. Cl. Bernard sur la physiologie du cœur dans ses Leçons sur les propriétés des tissus vivants. Paris, 1865.)