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éviter de prendre trop au sérieux toutes les anecdotes qui sont rapportées sur les grands hommes, ou qu’ils rapportent sur eux-mêmes. Dans beaucoup de cas le doute est permis. Lorsque Napoléon montre au général Rapp la prétendue étoile qui le guidait, en lui disant : « Voyez là-haut… Elle est là, devant vous, brillante ! » je ne suis pas parfaitement persuadé que cet homme illustre n’a pas voulu mystifier l’honnête général : c’était une croyance assez utile à répandre parmi les soldats. J’avoue qu’il me faut d’autres preuves que cela pour croire à des hallucinations. D’ailleurs, la seule conclusion que l’on puisse tirer des faits que l’on cite, en assez petit nombre d’ailleurs, c’est que l’hallucination a pu coexister, en certains cas, avec le génie ; en un mot, que le génie n’exclut pas l’hallucination. Mais conclure de cela que le génie soit lié à l’hallucination, et que l’un de ces faits soit la cause de l’autre, c’est raisonner d’une manière très-peu rigoureuse. Quant à la folie proprement dite, outre qu’on n’en cite qu’un assez petit nombre d’exemples, on peut admettre que le génie soit une cause favorable de folie, sans reconnaître que la folie et le génie sont analogues physiologiquement. En effet, le génie peut certainement placer l’homme dans des conditions sociales très-douloureuses la supériorité d’un homme sur son temps peut lui rendre l’existence très-difficile, et