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la nuit, faisait allumer des lustres dans son atelier, plaçait sur sa tête un énorme chapeau couvert de bougies, et dans ce costume il peignait des heures entières. » J’ai peine à croire que ce soit là autre chose qu’une plaisanterie : en tout cas, c’est une bizarrerie tellement arrangée et si peu naturelle que je n’y puis voir qu’une mystification du bourgeois. Peut-être aussi Girodet avait-il trouvé plus commode cette manière de s’éclairer. En outre, il ne suffit pas d’établir qu’un certain nombre d’hommes supérieurs ont eu des bizarreries. Il faudrait établir que les hommes ordinaires n’en ont pas ; autrement, il n’y a rien là qui soit particulier aux hommes supérieurs. Or, combien d’hommes médiocres ont leurs bizarreries, leurs excentricités, leurs petites monomanies ; on n’y fait aucune attention parce qu’ils sont médiocres. On les remarquerait, et eux-mêmes s’appliqueraient à les faire remarquer s’ils étaient supérieurs aux autres hommes. Quant aux distractions, il est vrai qu’elles sont habituelles chez les hommes d’étude. Mais je ne puis deviner quelles conséquences on peut tirer de ce fait. La distraction est un fait parfaitement normal, qui ne suppose en aucune façon un état maladif du cerveau. Si je regarde attentivement dans la rue, je n’entends pas quelqu’un qui m’appelle à côté de moi ; si je suis occupé à quelque travail, je n’entends pas la pendule sonner.