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par M. Moreau (de Tours), combien en resterait-il ?


Mais, sans insister sur ce travail critique, reprenons maintenant les assertions de l’auteur.

1o Les hommes de génie sont sujets à des bizarreries, des excentricités, des distractions qui ressemblent beaucoup à un commencement de folie.

Sur ce premier point, je fais observer d’abord que, parmi les faits cités, il en est qui n’ont absolument rien de particulier : « Montesquieu, dit-on, jetait les bases de l’Esprit des lois au fond d’une chaise de poste. » Qu’y a-t-il là d’extraordinaire ? Que faire dans une chaise de poste, si l’on ne pense à ce qui nous intéresse ? Le marchand pense à ses affaires, le jeune homme à ses amours, le philosophe à ses livres. Pourquoi ne composerait-il pas aussi bien dans une chaise de poste que dans la rue, que dans son cabinet, que dans son lit ? Celui qui est habitué à penser, pense partout. « Bossuet se mettait dans une chambre froide la tête chaudement enveloppée. » J’en conclus qu’il n’était pas frileux, mais qu’il craignait de s’enrhumer du cerveau. Ce sont là des enfantillages. Quant aux bizarreries réelles des hommes supérieurs, il faut d’abord s’assurer si elles sont spontanées et naturelles, ou si elles ne sont pas l’effet d’une sorte de charlatanisme très-ordinaire chez les grands hommes : « Girodet, dit-on, se levait au milieu de