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folie, conclure que le génie pris en soi est essentiellement de même nature que la folie, c’est méconnaître toutes les lois de l’observation scientifique.

Supposons cependant que l’on soit arrivé à une idée exacte et précise du génie, pris psychologiquement, et qu’on ait ramené toutes ces formes à une seule, que faudrait-il pour établir l’identité physiologique de la folie et du génie ? La seule démonstration rigoureuse, je l’ai dit, serait la comparaison anatomique du système nerveux chez les hommes de génie et chez les aliénés.

Mais une telle comparaison est impossible. Et d’abord, pour ce qui est de la folie, nous avons vu combien les médecins sont bien loin d’être arrivés à signaler la lésion certaine qui en est la cause ou le signe, et nous avons exposé plus haut toutes leurs divergences.

Si de pareilles divergences se produisent sur la cause organique de la folie, là où il est évident qu’il y a maladie, et où l’anatomie pathologique a tant de sujets à sa disposition, comment pourrait-on arriver à quelques résultats, je ne dis pas certains ni vraisemblables, mais même hypothétiques, lorsqu’il s’agit du génie, fait infiniment plus rare que la folie, et qui ne se prête pas aussi facilement à l’analyse anatomique ? Où est le cerveau de César et de Cicéron, de Socrate et d’Aristide ? Ce sont des cendres dispersées dans l’ample sein de la nature et