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parties d’un tout sous une loi commune, qui, lors même qu’il crée, comme dans la poésie, ne fait que réaliser, par le moyen de l’imagination, l’idée que son entendement a conçue. Le propre du génie est de se posséder lui-même, et non d’être entraîné par une force aveugle et fatale, de gouverner ses idées, et non d’être subjugué par des images, d’avoir la conscience nette et distincte de ce qu’il veut et de ce qu’il voit, et non de se perdre dans une extase vide et absurde, semblable à celle des fakirs de l’Inde. Sans doute, l’homme de génie, quand il compose, ne pense plus à lui-même, c’est-à-dire à ses petits intérêts, à ses petites passions, à sa personne de tous les jours ; mais il pense à ce qu’il pense ; autrement, il ne serait qu’un écho sonore et inintelligent, et ce que saint Paul appelle admirablement symbalum sonans. En un mot, le génie est pour nous l’esprit humain dans son état le plus sain et le plus vigoureux.

En second lieu, il est à remarquer que le mot de génie exprime des faits d’une nature très-différente, et tout à fait hétérogènes. Autre chose est le génie religieux et le génie militaire, le génie de spéculation et le génie d’action, le génie scientifique et le génie poétique. Confondre tant de faits différents, les expliquer tous de la même manière et pour des analogies superficielles qui peuvent se trouver incidemment entre l’un de ces états et la