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vailler des hommes de génie, il ne les voit que sur le trépied tout est pour lui élan, transport, effusion, intuitions prophétiques.

Si l’on admet ces prémisses, on comprend que la thèse soit facilement prouvée ; car, lorsque l’on a commencé par décrire le génie comme une sorte de folie, il n’est pas difficile plus tard de conclure que le génie et la folie sont identiques en essence. On retrouvera dans la conséquence ce qu’on aura déjà mis dans le principe. Mais si c’est là une description fantastique, si, au lieu de décrire le génie vrai, on n’a décrit que le faux génie, le génie malade et égaré, rien n’est fait, rien n’est prouvé, et il reste toujours à établir comment l’état le plus sain de l’esprit se trouve avoir la même origine que ses maladies les plus déplorables.

Or, il me semble que, dans sa théorie du génie, M. Moreau (de Tours) a pris l’apparence pour la réalité, l’accident pour la substance, les symptômes plus ou moins variables pour le fond et pour l’essence. Ce qui constitue le génie, ce n’est pas l’enthousiasme (car l’enthousiasme peut se produire dans les esprits les plus médiocres et les plus vides) ; c’est la supériorité de la raison. L’homme de génie est celui qui voit plus clair que les autres, qui aperçoit une plus grande part de vérité, qui peut relier un plus grand nombre de faits particuliers sous une idée générale, qui enchaîne toutes les