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LA FILLE


Et, laissant derrière elle un murmure joyeux,
Elle s’enfonce, lente, à travers l’herbe haute,
Au milieu des grands bœufs qui marchent côte à côte,
Roulant confusément un rêve dans leurs yeux.

Au fond du frais vallon ils sentent le pacage ;
Et la fille comme eux se hâte lourdement ;
Et ses seins demi-nus se gonflent par moment,
Comme des raisins mûrs sous un léger feuillage.

Elle va sans rien voir, avec placidité.
Elle ne connaît pas, dans sa morne indolence,
La tristesse des champs qui brüûlent en silence
Sous le pesant soleil des lourds midis d’été,

Ni le frisson mouillé des arbres à l’automne ;
Ni la mélancolie éparse dans les cieux,
Quand, à l’horizon noir d’un soir silencieux,
Quelque pâtre lointain jette un cri monotone.