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DANS LA BRUYÈRE


On sentait la nature avare de tendresse :
Sur le seuil de l’abîme où plonge l’occident,
Pour résister au choc du flot toujours grondant,
Elle avait jeté là cet écueil en détresse.

Les peuples primitifs, dans leur marche en avant,
Avaient dû faire halte au bord des mers sauvages :
Mais ils avaient semé ces sinistres rivages
De noirs autels battus par la vague et le vent.

Le voyageur, perdu dans cette solitude,
Au milieu du silence infini du passé,
Ne voyait que le sol à jamais affaissé
Sous le roc immobile en sa morne attitude.

S’il était las de vivre et d’espérer en vain,
Il maudissait l’attrait du rouge crépuscule,
Car dans Ja profondeur où le soleil recule
Il n’avait pu surprendre un inconnu divin.