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LE PÂTRE


Il avait tout le jour couru dans les bruyères,
Sifflant les geais moqueurs et dérobant les nids ;
Mais sitôt que le soir éteignait ses lumières,
Il s’arrêtait, rêveur, sous les cieux infinis.

Des villages lointains, déjà noyés par l’ombre,
Les angélus montaient vers la mort du soleil :
Et la prière ailée allait du clocher sombre
Perdre ses notes d’or dans l’horizon vermeil.

Le pâtre se tenait debout, la tête nue :
Et le signe de croix, qu’il traçait largement,
Prenait dans l’ombre vague une ampleur inconnue
Sur la sérénité du profond firmament.

Puis, quand tout s’effaçait, clochers et clartés roses,
Quand le silence énorme endormait l’horizon
Dans le recueillement mystérieux des choses,
Il écoutait venir le nocturne frisson.