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LES BOIS


La forêt est sinistre ; et son murmure, hélas !
Qui berçait doucement mes songes éphémères,
Dans mon cerveau lassé résonne comme un glas
Sur les spectres peureux de mes jeunes chimères.

Et pourtant tu n’as pas changé, dôme béni !
C’est moi qui te reviens plein de doutes moroses :
Le réel m’a donné la soif de l’infini,
La haine des humains m’a fait aimer les choses !

En des teintes qui vont s’affaiblissant, le soir
Se meurt ; et déjà l’ombre ouvre sa lourde toile.
Comme un flambeau qui tremble au fond d’un reposoir,
Dans les lointains du ciel brille une pâle étoile.

Cachez-moi, sombres bois ! et que le firmament,
Pour les orgueils de l’homme et ses honteux désastres,
Comme une église en deuil qu’on voile tristement,
Sur le manteau des nuits fasse pleurer les astres !