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LA LANDE


Des lointaines forêts, immobiles dans l’ombre,
Un souffle large et fort, comme le vent des flots,
Accourait en sifflant dans la bruyère sombre
Et berçait mon angoisse avec ses longs sanglots.

C’est là que j’ai connu la détresse infinie
D’être seul, à jamais seul sous le ciel béant,
D’accepter en vaincu l’aveugle calomnie,
De maudire le ciel et d’aimer le néant.

Dans ces lieux désolés la tristesse était bonne :
Un chêne, sans rameaux et tordant son tronc noir,
Essayait d’arracher à la terre bretonne
Sa racine, rendue énorme par le soir.

Les rocs montraient, penchés vers la nuit des vallées,
Leurs dos que le déluge autrefois a polis ;
Et souvent on eût dit que des formes voilées
Rôdaient confusément au bord des cieux pâlis.