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Ainsi vont, dans les larges plaines, les villages
éparpillés qui chantent dans l’air bleu et clair,
ou qui se taisent, sous le ciel couleur de fer,
sous les raies de pluies fine en travers qui bruissaillent ;

avec un chat immobile au milieu d’un champ,
avec les femmes à pas lents qui songent, laissant
tomber les grains de maïs et comme si elles
songeaient qu’il ne faut pas contrarier la terre ;

avec les hommes qui prennent dans un tamis
le froment qu’ils lancent fort, au-dessus de terre,
qui fait au soleil un nuage de poussière ;
avec la nuit épaisse où tout est endormi.

Ainsi vont les doux villages éparpillés
sur les coteaux, aux flancs des coteaux, à leurs pieds,
dans les plaines, dans les vallées, le long des gaves,
prés des routes, prés des villes et des montagnes ;

avec les clochers minces au-dessus des toits,
avec, sur les chemins qui se croisent, des croix,
avec des troupeaux longs qui ont des cloches rauques
et le berger fatigué traînant ses sabots ;