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qui est morte il y a quelques jours. Elle aurait pu
vous renseigner peut-être sur ces disparus.
Et j’allais de porte en porte — et chez le notaire
qui a l’étude du père de mon arrière-grand-père
et chez le curé qui ne connaissait pas non plus…
Et je passais devant des portails vermoulus,
des jardins abandonnés où, par les grosses grilles,
on voyait près des maisons sans plus de familles
des roses trémières roses dans l’herbe bleue
près des portes fermées par la vieille poussière
comme les portes des cercueils des cimetières.
Et je passais sans vouloir voir les âneries,
les nouveautés, des drapeaux neufs sur la mairie
et des lettres d’or qui disent je crois la république.
Non : je n’avais au cœur que mes vieilles reliques
et, arrière-arrière-petit-fils, je venais
me rappeler les morts aimés dont je suis né.
Enfin je traversai la magnifique grille
d’une très ancienne et très bonne famille :
la vieille dame avec un sourire très bon,
le vieux monsieur courbé allant avec un bâton,
et le fils de cette bonne et noble famille
poétique ainsi que les plantes de la grille.
Vous êtes, dit la dame, un J… ! oui, jadis,
ils habitèrent le village… un vieux notaire
dont les fils vers les aventures s’en allèrent…
Notre famille a acheté la maison en ruine.