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L’ÂME DU POÈTE

Non monsieur.Attendons que l’on soit guéri.

LA MÈRE, (au poète.)

Tu es énervé ? Tu as dû faire des vers tout à l’heure.
Cela te fait du mal. Il faut mener une vie meilleure.
Les vers, tu le sais, ne peuvent te mener à rien.
Tu sais que je te dis cela pour ton bien…
Il y en a si peu qui gagnent de l’argent.

LE POÈTE, (à son âme.)

Oh ! que c’est triste…

L’ÂME DU POÈTE

Oh ! que c’est triste…Souris ! Elle est la mère qui t’aime,
celle dont tu es né parce que Dieu l’a voulu.
Les poètes pèsent au ventre des femmes plus que les autres
parce que les poètes qui vont naître portent le monde.

(Ils se sont assis, excepté la servante qui essuie les assiettes. Le père sommeille. La mère et la fiancée lisent. Le poète fume sa pipe, assis, ren-