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comme des palombes, au-dessus des champs
qui ont, le soir, cette odeur forte de forêt
qui fait se tromper les chiens d’arrêt.
Les champs gras vont rouler dans une espèce de laine
douce, humide. Tu vas voir trembler toute la plaine.
Les roses, roses le jour, sont des roses noires la nuit.
Au delà des coteaux s’en sont allées les pluies.
Bois les baisers de ta douce et tendre fiancée.
Les larmes des femmes sont lourdes et salées
comme la mer qui noie ceux qui y sont allés.
Tu l’auras, cette fiancée douce, dans ton lit.
Elle est douce comme les plus légères pluies,
comme l’eau qui tremble dans les choux, le matin,
comme les toiles d’araignées dans la rosée du chemin,
comme l’écorce des cerisiers dans la main,
comme le poil des lapins sauvages broutant le thym,
comme les pas d’une bergeronnette sur la glace d’un chemin,
comme près du vieux puits l’aiguilleux romarin,
comme le gloussement des poules piquant les grains,
comme la chanson du puits d’argent sous une douce main,
comme le lys commun et comme le raisin,
comme la bonté qui est chez tous les hommes…