Page:Jammes - Un jour, 1895.djvu/26

Cette page a été validée par deux contributeurs.

LA FIANCÉE, (se désenlaçant.)

Je t’aime.Je t’aime. J’ai les cheveux mal arrangés.
Embrasse-moi sur la bouche… Tu n’es pas gai ?
Pourquoi es-tu triste presque toujours ? Embrasse-moi ?

L’ÂME DU POÈTE

Il n’est pas triste. Il est grave et pareil aux bois.
Il est pareil aux maisons des campagnes douces.
Il est pareil aux tranquilles et douces mousses.
Il est pareil aux fumées calmes des vieux toits.
Il est pareil à la rivière vers le soir.
Il est pareil au calme du vieux foyer noir.
Il est pareil à l’eau qui est claire et qui est grave.
Il est pareil à la pierre qu’un gave lave.
Il est pareil au verger doux rempli de pommes.
Il est pareil à toi. Il est pareil à l’homme.

LE POÈTE

Je t’aime. Tu ris. Pourquoi es-tu gaie toujours ?

L’ÂME DU POÈTE

Elle n’est pas gaie. Elle est égale et pareille à l’eau dormante.